Vos tee-shirts peuvent-ils favoriser la démocratie au Cambodge?
Le secteur de la confection joue un rôle crucial dans un Cambodge en pleine crise politique. Le bras de fer engagé par un pouvoir affaibli n’est pas gagné.
- Un ouvrier de l'industrie textile arrêté à Phnom Penh le 3 janvier 2014. REUTERS/Samrang Pring -
Les
exportations de vêtements sont, avec le tourisme, les deux mamelles du
Cambodge, l’un des pays les plus pauvres de la planète. Surtout depuis
deux décennies. Toutefois, comme dans d’autres pays de la région tels le
Bangladesh et la Birmanie, la confection est un secteur vulnérable.
Représentant 90% des exportations du royaume khmer (plus de 5 milliards
de dollars en 2013, une hausse de 22%), le textile emploie, dans près
d’un demi-millier d’usines, 600.000 personnes dont 400.000 petites mains
qui travaillent pour les grandes marques internationales. Leurs deux
principaux clients: les Etats-Unis, 1,96 milliard de dollars l’an
dernier, et l’Europe, 1,81 milliard de dollars.
Dans la foulée, le gouvernement s’est engagé à faire passer le
salaire minimum à 95 dollars en avril 2014 (et même, plus probablement, à
100 dollars) alors que les syndicats réclament 160 dollars. Si ce
salaire est seulement de 57 dollars au Myanmar et de 72 dollars au
Bangladesh, il est de 148 dollars aux Philippines et de 243 dollars dans
la Thaïlande voisine. L’Asia Floor Wage Alliance estime qu’au Cambodge, compte tenu du coût de la vie, il devrait se situer autour de 280 dollars…
Les syndicats ont donc d’autant moins cédé qu’un vent de révolte
souffle sur le royaume: l’opposition politique n’accepte pas le résultat
des élections, affirme que la fraude l’a privée d’une victoire et
refuse de siéger au Parlement. Des dizaines de milliers de gens ont
participé aux défilés qu’elle a organisés à Phnom Penh contre la
corruption du pouvoir et pour réclamer de nouvelles élections.
Proches des leaders de l’opposition (dirigée par Sam Rainsy et Kem
Sokha), les syndicats du textile ont opté pour la grève et 300.000
petites mains ont participé au mouvement déclenché le 26 décembre. Le 29
décembre, un bon nombre d’ouvriers se sont joints aux parades de
l’opposition à travers la capitale.
Menacé d’être débordé, le gouvernement a fini par réagir. Dans la
soirée du 3 janvier, la police a tiré sur des ouvriers qui manifestaient
à proximité d’une usine textile. Bilan: au moins 4 morts par balles et
plusieurs ouvriers grièvement blessés ainsi que 23 arrestations. Le
lendemain, Hun Sen a interdit toute manifestation dans la rue et fait
procéder, au centre de Phnom Penh, au démantèlement de la tribune d’où
partaient les défilés. Le 6 janvier, les ouvriers ont repris le travail à
la demande de leurs syndicats.
Mais rien n’est réglé pour autant. Opposants et syndicats veulent
éviter toute confrontation directe. Les commanditaires du textile, qui
tentaient de se maintenir prudemment dans l’ombre du gouvernement, ont
été contraints d’intervenir. Sept grandes marques (H&M, Inditex,
Puma, Adidas, Columbia Sportswear, Levi Strauss), qui ne peuvent pas
accepter d’être vues comme les complices d’abus ou de violences, ont adressé une lettre publique à Hun Sen pour exprimer leur «profonde inquiétude» face à la «force mortelle» utilisée contre les grévistes.
Depuis, alors que des patrons étrangers de manufactures textiles
continuent de laisser entendre qu’ils pourraient déménager dans d’autres
pays, —et que d’autres grandes marques demeurent silencieuses—, des
commanditaires américains et européens ne peuvent que se prononcer en
faveur d’un compromis, puisque le sang a déjà coulé.
Et comme, face à un gouvernement sur la défensive, l’opposition
politique continue de militer pour de nouvelles élections, la partie est
loin d’être jouée.
Côute que côute; Hun Sen devrait être se débarassé!
ReplyDeleteA bas Hun sèn!
Hun Sèn, dégage!