៣ មិនា ២០១៧ / 03 March 2017 - This Appeal in English
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LE CAMBODGE DANS UNE DÉRIVE TOTALITAIRE DE PLUS EN PLUS DANGEREUSE
Le Cambodge est en train de dériver dangereusement vers un régime totalitaire. Des élections locales et nationales sont prévues respectivement en juin 2017 et juillet 2018, qui pourraient mettre fin à des pouvoirs autoritaires et corrompus en place depuis des décennies. Mais la crainte, précisément, d’un changement démocratique provoque de la part de ces pouvoirs une répression de plus en plus aveugle et violente qui s’abat sur toutes les sphères de la société et risque de faire dérailler le processus électoral, ouvrant ainsi la voie à une explosion de la colère populaire.
Le Parti du Peuple Cambodgien (PPC) du Premier Ministre Hun Sen, au pouvoir depuis 38 ans, présente des signes évidents d’usure. Il doit faire face à une population de plus en plus jeune, de mieux en mieux informée et de plus en plus critique et exigeante, comme il est confronté à une opposition de plus en plus puissante. Celle-ci, représentée par le Parti du Sauvetage National (PSN), aurait pu l’emporter aux dernières élections législatives de 2013 si le PPC n’avait pas bénéficié de manipulations dénoncées par de nombreux observateurs indépendants.
Trois facteurs alimentent les craintes du PPC concernant les prochaines échéances électorales de 2017 et 2018: le mécontentement populaire grandissant devant la corruption gouvernementale se traduisant notamment par des confiscations massives de terres appartenant aux paysans; la dynamique d’une opposition démocratique unie pour la première fois dans l’histoire contemporaine du Cambodge; la mise en place et le fonctionnement effectif d’une nouvelle commission électorale nationale plus indépendante et plus crédible, qui constitue la conquête la plus importante de l’opposition dans le sillage de sa montée en puissance.
Ces trois facteurs ont conduit le PPC à changer de stratégie pour se cramponner au pouvoir: d’une stratégie traditionnelle basée sur l’intimidation des électeurs, les achats de votes et les manipulations électorales, il adopte maintenant une nouvelle tactique visant tout simplement à supprimer le PSN en tant que seul parti d’opposition représenté à l’Assemblée Nationale pour l’empêcher de défier le parti au pouvoir aux prochaines élections. Cette tentative de suppression de l’opposition se fait par voie législative – le PPC dispose d’une courte majorité à l’Assemblée où il vient de faire adopter un amendement à une ancienne loi sur les partis politiques, amendement spécialement conçu pour permettre au gouvernement de dissoudre le PSN à tout moment, sous des prétextes aussi vagues et fallacieux que "menace à la sécurité publique" ou "incitation pouvant conduire à la destruction de l’unité nationale" – ou par voie judiciaire grâce à des tribunaux aux ordres du gouvernement, qui viennent de condamner plusieurs dirigeants du PSN à des peines de prison "légalement" incompatibles avec le statut de dirigeant d'un parti politique et avec l’exercice de fonctions publiques à l'avenir.
Parce que j'ai été condamné à de telles peines pour "diffamation" envers des dirigeants du PPC, j'ai dû démissionner en février dernier de la présidence du PSN pour éviter la dissolution de mon parti en vertu de la loi nouvellement amendée.
Le Premier Ministre Hun Sen et son PPC sont actuellement en train de tester les réactions de l’opinion internationale pour savoir jusqu'où et à quelle vitesse ils peuvent encore aller dans leur tentative de ramener le Cambodge à un système de parti unique, comme sous les Khmers Rouges et comme au temps de la guerre froide. Cette tentative et cette dérive totalitaires, contraires aux Accords de Paris de 1991, ont déjà été condamnées par les organisations internationales de défense des droits de l’homme comme Amnesty International et Human Rights Watch.
Il reste aux gouvernements de tous les pays démocratiques du monde à prévenir le gouvernement de Monsieur Hun Sen – qui est toujours en quête et avide de légitimité et d’assistance internationales – qu’il y a une limite à ne pas franchir: celle qui provoquerait au Cambodge la mort effective d’un "système de démocratie libérale et pluraliste" édicté par les Accords de Paris et annoncerait de nouveaux malheurs pour le peuple cambodgien.
Sam Rainsy
Ancien Président du PSN
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