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Saturday, March 1, 2014

Prime Minister-elect Sam Rainsy: Interview with French newspaper "Le Figaro" (Paris)

 

២៨ កុម្ភៈ ២០១៤ / 28 Feb. 2014 | Interview with French newspaper "Le Figaro" (Paris)

បទសម្ភាស របស់ខ្ញុំ ជាមួយ កាសែតបារាំង "Le Figaro" ចេញផ្សាយ ថ្ងៃនេះ ពីទីក្រុងប៉ារីស

LE FIGARO, 28 février 2014

Sam Rainsy : «La situation au Cambodge est explosive»

INTERVIEW - Le chef de l'opposition Sam Rainsy dénonce la fraude électorale, la corruption et la répression.


Le Cambodge est sous tension depuis les élections contestées du 28 juillet dernier. Rentré dans son pays à la veille du vote après plusieurs années d'exil en France, formé à Sciences Po et financier de profession, le chef de file de l'opposition, Sam Rainsy, 64 ans, exige un nouveau scrutin. Selon lui, les Cambodgiens sont résolus à tourner la page du régime instauré après le départ des Khmers rouges en 1979 et dirigé par le premier ministre Hun Sen depuis 1985.

LE FIGARO. - Quelle est la situation politique aujourd'hui au Cambodge?


SAM RAINSY. - La situation politique est entièrement bloquée à cause du résultat des élections de juillet 2013 qui sont toujours très contestées. Dans certains des 20.000 bureaux de vote, des choses anormales se sont déroulées au vu et au su de tous. Au pouvoir depuis trente-cinq ans, le Parti du peuple cambodgien (PPC) de Hun Sen (premier ministre depuis vingt-neuf ans, NDLR) refuse catégoriquement toute enquête sur le scrutin, comme s'il craignait d'ouvrir la boîte de Pandore. Cela remettrait en cause la victoire du PPC, dont la grande majorité du peuple cambodgien pense qu'elle est le résultat d'un truquage. L'opposition demande une enquête supervisée par l'ONU, des ONG, des observateurs indépendants nationaux ou internationaux. Le PPC ne veut pas en entendre parler. D'où la deuxième étape que nous envisageons: la tenue de nouvelles élections avant le terme prévu de 2018. Nous accepterions que le nouveau scrutin ait lieu à mi-mandat, c'est-à-dire début 2016. Ce n'est pas sûr que le PPC accepte et cesse de camper sur sa prétendue victoire. Hun Sen demande que nous siégions à l'assemblée avec nos 55 sièges (contre 68 au PCC). Nous ne sommes pas d'accord: siéger serait reconnaître la victoire du PPC.

Vous êtes donc dans l'état d'esprit d'un homme à qui on a volé sa victoire?


Exactement. Le soutien de la population en faveur de l'opposition va croissant, à l'inverse du PCC qui multiplie les erreurs et qui n'a plus rien à dire. Tout le monde dénonce la corruption et les abus. Ce qui compte, c'est la jeunesse qui représente 70% de la population âgée de moins de 30 ans. Comme en Afrique du Nord, cette jeunesse est éduquée, évoluée, elle communique grâce aux réseaux sociaux. Elle est révoltée par les injustices et la corruption. Tous les ingrédients d'une révolution sont là. Après le baby-boom des 20 ou 30 dernières années, la structure démographique continue de jouer en faveur du changement. Les moins de 35 ans - soit les trois quarts de la population - n'ont pas connu le régime khmer rouge, qui est la raison d'être de Hun Sen. Son message officiel est le suivant: «Votre vie n'est peut-être pas fameuse, mais c'est toujours mieux que sous les Khmers rouges.» Or, pour les Cambodgiens qui n'ont pas vécu cette période, c'est leur niveau de vie qui compte. Ils le comparent avec celui des pays voisins, bien supérieur, alors que le Cambodge avait davantage de potentiel il y a cinquante ans.

Quel est votre regard sur ce passé khmer rouge?


Cela reste un traumatisme, mais de moins en moins présent chez les jeunes. Aujourd'hui, le Cambodge souffre surtout d'un manque de ressources humaines. Le système d'éducation, la corruption ont contribué à gâcher deux générations. Il faut laisser le passé à sa place, ne pas l'occulter mais ne pas l'instrumentaliser non plus. La priorité, c'est de développer le potentiel humain - éducation, formation professionnelle. Le pays est en proie à un grave malaise social révélé par les manifestations des ouvriers du textile réprimées dans le sang (5 morts, des dizaines de blessés début janvier à Phnom Penh, NDLR). La popularité de Hun Sen va continuer à baisser. On ne peut pas mentir en économie. La situation actuelle résulte de la mauvaise gestion économique. Le pouvoir des ouvriers a baissé de 20% au cours des 10 dernières années. Les gens n'ont plus les moyens de vivre. Le pouvoir invoque le maintien de la compétitivité pour refuser des augmentations salariales, ce qui est fallacieux. Le principal facteur est la corruption. Le Cambodge est l'un des pays les plus corrompus du monde, selon l'ONG Transparency International.


«Les gens n'ont plus les moyens de vivre. Le pouvoir invoque le maintien de la compétitivité pour refuser des augmentations salariales, ce qui est fallacieux. Le principal facteur est la corruption.»

Comment fonctionne la corruption au Cambodge?


Il y a dix ans, les experts de l'aide fédérale américaine (USAID) estimaient que la corruption coûtait à l'État cambodgien 500 millions de dollars par an, soit 25% du budget national. Depuis, le phénomène a encore augmenté avec la déforestation et les trafics en tous genres. Cela se traduit par un alourdissement des coûts de production. Si elles n'avaient pas à payer des pots-de-vin, les entreprises auraient plus de ressources pour payer les salaires des ouvriers qui meurent de faim et qui demandent un revenu décent (soit 160 dollars mensuels, contre 80 actuellement, NDLR). La colère ne pourra pas éternellement être contenue avec la pression policière. Il y a un moment où tout risque d'exploser.

Vous avez été la cible de menaces et même d'attentats. Craignez-vous pour votre vie?


Je ne crains pas seulement pour moi. C'est la population dans son ensemble qui est menacée. Parmi les familles de paysans qui envoient leurs enfants travailler dans les usines, beaucoup sont des chefs de village nommés par le parti au pouvoir. Quand leurs enfants sont tués par la police ou par l'armée, ils ne comprennent plus. Ils disent qu'ils ont toujours soutenu Hun Sen. Paysans, ouvriers, c'est toute la société qui est en train de se révolter.

Une conciliation entre l'opposition et le pouvoir est-elle possible?
L'échiquier politique a été profondément transformé depuis un an et demi par l'unité de l'opposition. Pour la première fois dans l'histoire du Cambodge moderne, toutes les forces d'opposition démocratiques se sont rassemblées dans un seul parti, le Parti du sauvetage national du Cambodge (CNRP). Cela change tout. Les révolutions en Europe de l'Est, en Géorgie, en Ukraine n'ont été possibles que parce l'opposition était unie. Cette condition vient d'être remplie au Cambodge. La victoire est à portée de main. Notre stratégie n'est pas la confrontation, c'est la patience. Toutes les tendances de fond, démographiques, sociologiques, économiques jouent en notre faveur. Ne tombons pas dans le piège de la violence.

Vous êtes citoyen français. Cela influence-t-il votre action?


La culture française que j'ai reçue en matière de droits de l'homme, de culture démocratique, républicaine et humaniste, m'a aidé à définir mes principes et à avoir une grande ouverture. Grâce à la langue française, on a beaucoup d'amis à travers le monde. Et au-delà de la France, il y a l'UE. Un jour, il faudra bâtir une entité régionale, une nouvelle Association des pays d'Asie du Sud-est (Asean) sur le modèle de l'UE, c'est-à-dire fondée sur des valeurs communes et pas seulement sur un marché commun, une politique agricole commune ou une monnaie commune. Ce socle de valeurs démocratiques communes a fait le succès de l'Europe. En revanche, l'Asean tire à hue et à dia et ne mène nulle part. Ma vision, c'est qu'entre la Chine et le Vietnam, ces deux vieux ennemis, il doit y avoir une réconciliation comme cela a été le cas entre la France et l'Allemagne.





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